Britney Spears, c’est des tubes, des tubes et encore des tubes. Pour dire, la dernière fois que je suis allée en boîte, le DJ passait Baby One More Time pendant que le dancefloor s’égosillait la voix. Cette chanson accumule plus de 1 milliard d’écoutes sur Spotify.
Britney, phénomène intergalactique, nous a obsédé·es et nous fascine encore. Après son livre révélation en 2023 La femme en moi, aux éditions JC Lattès, écoulé à près de 3 millions de copies dans le monde, je me suis ruée sur le documentaire qui revient sur l’emprisonnement de Britney et son émancipation récente. La série Britney sans filtre, diffusée en cinq chapitres sur Arte et réalisée par Jeanne Burel, va te combler et je t’explique pourquoi.

On a tous·tes quelque chose en nous de Britney. Qu’on soit né·es avec elle ou après, elle est devenue une référence incontournable de la pop culture. D’ailleurs, celle qu’on appelle la princesse de la pop a façonné un imaginaire féminin qui nous poursuit encore aujourd’hui. Mais y est-elle pour quelque chose ? Dans quelle mesure a-t-elle était un objet manipulé, utilisé, défini, redéfini, cassé, jeté, programmé pour répondre à une image de la femme imposée par son environnement ? À travers cinq chapitres organisés de manière chronologique, la réalisatrice du documentaire propose des réponses. J’ai adoré et je t’en parle parce que It’s Britney Bitch (hook de la chanson Gimme More).
La chute d’un objet nommé Britney
Britney Spears, depuis ses 3 ans, chante et manifeste son désir de devenir chanteuse. Voyant son potentiel, sa mère lui fait passer des castings à l’âge de 8 ans. Repérée par Disney, elle intègre le fameux Mickey Mouse Club, une émission de télévision américaine qui expose des talents. Une sorte de télé-crochet avec tous les codes Disney, du rêve américain, de l’enfant star. À cette époque, on retrouve également Justin Timberlake (tiens tiens), Christina Aguilera ou encore Ryan Gosling. C’est le début de la narration Britney Spears au sein de laquelle elle tient le rôle du personnage principal, mais pas le script du scénario.
D’une part elle devient un phénomène, de l’autre un véritable business lucratif. L’enfant star entre dans la machine Disney et dans le même temps dans la machine à cash pour ses parents. Elle n’a même pas 10 ans que sa vie n’est déjà plus entre ses mains, la protection dont elle aurait besoin n’est pas mise en place. C’est comme si elle devenait un personnage semi-fictionnel de sa propre vie : une image d’elle faite par et pour les autres.

Avec Disney, elle apprend les codes de l’Amérique puritaine, le travail acharné, les caméras, la médiatisation, et incarne l'idéal attendu d’elle. C’est une enfant et elle est déjà sexualisée comme le montre la série de photos réalisée par David Lachapelle en 1999 alors qu’elle n’est âgée que de 16 ans.
« MTV m’a forcée à regarder des inconnus donner leur avis sur ma performance... Ils disaient que je m’habillais “trop sexy” et que je donnais un mauvais exemple à la jeunesse. J’ai commencé à remarquer de plus en plus d’hommes de plus en plus âgés dans le public... C’était terrifiant, de les voir me reluquer comme si j’étais une sorte de Lolita. Si j'étais sexy, ils avaient l’air de penser que j’étais forcément stupide. Pour eux, il était impossible d’être belle et talentueuse. » (extrait de son livre autobiographique La femme en moi)
Une saturation médiatique
Toutes les petites filles, les jeunes filles et même les femmes de cette époque intègrent cette matrice de la féminité à cause de la saturation dans l’espace médiatique de la baby muse. Pour Britney, savamment guidée par ses producteurs, et pour nous, il s’agit d’une normalité puisque c’est ainsi que les règles sont dictées. C’est le principe d’une norme en même temps... Aujourd’hui, avec l’éclairage de nos apprentissages et l’angle choisi par la réalisatrice, on comprend bien qu’il y a anguille sous roche.
Comment peut-elle être à la fois l’emblème du sexy et le bouc émissaire ? Parce que y a pas moyen d’être une femme et de gagner. Elle fait des concerts dans des tenues faussement transparentes et c’est un scandale. Pourtant elle chante I’m a slave 4 U et ça ne pose de problème à personne.

« À partir de maintenant, Britney Spears, c’est moi. C’est donc moi qui décide. Toi, tu t’assois là et tu attends que je te dise quoi faire » a dit le père de Britney Spears.
Au maximum de sa vulnérabilité et devant les caméras du monde entier, Britney se prend les pieds dans le tapis qu’on lui a savonné pendant des années. Critiquée pour ce qu’elle représente, elle subit le pire de la marchandisation du corps. Le prix à payer pour être célèbre, c’est la dépossession de tous ses moyens financiers et artistiques (avec la tutelle de son père qui a duré 13 ans) et la dépossession de son corps et de son image (harcèlement des paparazzis, téléréalité). Elle n’est pas maîtresse d’elle-même. Toute sa vie, il est question de vivre pour les écrans et à travers les écrans. Même la tutelle levée, Britney Spears reprend Instagram pour se montrer, certes selon son regard, ses conditions et sa volonté. Quand elle tourne sur elle-même en maillot dans des reel Instagram sans fin, n’assistons-nous pas à une terrible métaphore ?
« J’ai l’impression de vivre dans un jour sans fin » confie-t-elle dans son livre La femme en moi.
Isabelle est conceptrice-rédactrice et serial storyteller. Pour Cornée mag, elle est la chroniqueuse spécialisée dans la pop culture féministe. Le soir, elle troque son costume de brand experte pour faire la lecture à son chat. Quand les essais socio-politico-philosophiques lui font défaut, elle se blottit devant une série documentaire true-crime histoire de se détendre les coussinets.
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