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Enquête sur la pénurie de papier

Dernière mise à jour : 8 juin 2023

Le lauréat du prix Goncourt 2021 vient d’être annoncé (félicitations à Mohamed Mbougar Sarr pour La plus secrète mémoire des hommes) et on attend encore celui du Femina des lycéens. Des listes de cadeaux se préparent et beaucoup contiendront des livres de la rentrée littéraire ou des nominés aux prix d’automne ! Auteurs, éditeurs et lecteurs attendent cette période de Noël avec impatience pour toute l’effervescence et l’inspiration qu’elle contient.

Mais depuis quelques semaines, on nous murmure « pénurie », « rupture de stock », et « plus de papier »…


Que se passe-t-il ?


Cette rupture du papier serait une retombée de la crise sanitaire de 2020. Le confinement a entraîné une baisse de production et de consommation de cette matière au profit de l’écran. Avant d’être la feuille que l’on tourne dans les livres, elle ne constitue que du bois élimé et devient une pâte lorsqu’elle est mélangée avec un produit chimique comme la cellulose, par exemple.



La principale raison de cette pénurie résulte dans la faible fabrication de la pâte à papier en 2020, prévue à l’utilisation pour 2021. Mais il existe d’autres facteurs à cette rupture. Le bois est un matériau très vite réquisitionné par le secteur du bâtiment et son prix est actuellement en hausse au vu de la demande. Une demande qui provient aussi du commerce puisqu’avec l’augmentation des ventes en ligne durant la crise, les emballages en carton (également composés de pâte à papier) deviennent de plus en plus nécessaires. Ainsi, ce sont trois grands secteurs qui s’arrachent une seule et même matière : l’édition, le bâtiment et le commerce en ligne. Même si la production pouvait suivre, une autre cause vient entraver l’imprimerie de nos livres : le retard. Des paquebots sont aujourd’hui amarrés dans les ports avec des conteneurs de papier, mais ils sont dans l’impossibilité de décharger, les ports étant submergés et dépassés par le nombre.


« Les livres mis en vente fin août sont fabriqués très en avance, au tout début de l’été. Je me suis aperçue, au moment de passer commande, que les délais d’approvisionnement papier chez les imprimeurs étaient inhabituels », confie Hélène Vaultier, fabricante freelance. En clair, cette pénurie aurait débuté dès la fin du printemps, voire dès le début de l’année, mais nous n’en ressentons les effets que maintenant, puisque la demande est en hausse à cette période.

Quels impacts pour les acteurs de la chaîne du livre ?


Quatre acteurs vont être et commencent déjà à être touchés par l’épuisement du papier : l’imprimeur, l’éditeur, le libraire et le lecteur.

La matière s’estompe. Les imprimeries se voient dans l’obligation de revoir leurs délais puisque les bobines de papiers arrivent de façon aléatoire et lente aux lieux de fabrication. On ne pouvait imaginer pire timing : la demande explose à cette saison, et constitue, pour certaines imprimeries, la moitié de leur chiffre d’affaires, c’est notamment le cas pour l’imprimerie Corlet, qui travaille pour des éditions comme Michel Lafon, Payot & Rivages, etc.


Si les dates de fabrication sont reportées, alors les échéances dans le travail du texte sont aussi rallongées. Les maisons d’édition sont dans le flou, tout comme leurs confrères. On ne parle plus en semaines, mais en mois de délais, et on émet quelques réserves. Le papier se raréfie et son prix augmente pour les éditeurs. Le coût du papier a pris 15 % en moyenne sur la fabrication du livre. Le nombre d’exemplaires prévu doit aussi être revu en fonction du stock dont l’imprimeur dispose. Cela ne pose pas encore trop d’inconvénients aux grandes maisons d’édition qui avaient prévu le coup dès cet été pour la période des prix littéraires. Pascal Lenoir, directeur de la production du groupe Madrigall, ressort les chiffres : « En 2020, L’Anomalie, d’Hervé Le Tellier, avait été imprimé à 700 000 exemplaires en trois semaines. ». Y aura-t-il assez de stock pour répondre aux ventes deLa plus secrète mémoire des hommes ? En revanche, les petites maisons d’édition s’interrogent : le choix du manuscrit devient encore plus primordial et celui de la réimpression secondaire.


Les délais sont aussi rallongés pour les libraires. Durant les fêtes de fin d’année, l’enjeu pour eux est de gérer leur stock de livres, de répondre à l’afflux de demandes. C’est une période où la diversité des ouvrages est la plus grande, où le marché est en pleine ébullition. Selon les chiffres du Figaro prélevés en 2019 (avant la crise sanitaire), « Tous formats confondus, les trois derniers mois de l’année représentent près de 55 % des ventes annuelles de livres ».


Nous lecteurs n’échapperons peut-être pas non plus à ces retards… « Je crains qu’à Noël, les lecteurs ne soient pas sûrs d’obtenir rapidement le livre qu’ils souhaitent », appréhende Jonathan Beck, directeur de la maison d’édition allemande C. H. Beck. Des délais de livraison plus rallongés que la normale sont à envisager.

Des solutions ?


Pour les maisons d’édition, plusieurs choix, pour l’instant à court terme, sont possibles :

  • se tourner vers du papier de qualité plus basse afin d’éviter ce contrecoup du prix en hausse (à noter que le papier recyclé se trouve lui aussi en quantité limitée, le papier classique ayant moins été utilisé durant la crise) ;

  • consentir à la hausse du coût du papier ;

  • limiter les réimpressions et attendre une période plus propice.

Les points de vente comme Ici Librairie essayent d’anticiper les ruptures de stock à venir avec des « réserves exceptionnelles pour Noël » prévoit la responsable de la boutique, Anne-Laure Vial.


Affaire à suivre…

La petite anecdote

Durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, il y eut aussi des pénuries de papier, cette fois en raison de l’interruption des échanges internationaux. Afin de pouvoir continuer à imprimer la presse, les éditeurs ont dû revoir leur maquette afin de profiter de chaque parcelle de la page : des tailles de caractères plus petites et des interlignes très modestes ! On ne lésine pas sur l’espace gagné ! Peut-être devrons-nous l’envisager ?



Sources :

« Thionville: l'imprimerie Klopp à l'épreuve de la pénurie de papier », Le Républicain Lorrain.

https://www.republicain-lorrain.fr/societe/2021/11/01/thionville-l-imprimerie-klopp-a-l-epreuve-de-la-penurie-de-papier« Pénurie de papier : les petites maisons d'édition craignent de ne pas pouvoir réimprimer certains ouvrages », franceinfo culture.

« Pénurie de papier pour l’industrie du livre », Arte https://www.arte.tv/fr/videos/106444-000-A/penurie-de-papier-pour-l-industrie-du-livre/

« L’industrie papetière pendant la Première Guerre mondiale : entre pénurie et stratégie », Louis André, IGPDE https://books.openedition.org/igpde/4978?lang=fr


Photo de Polina Zimmerman provenant de Pexels.



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